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LE SECRET DE LA REINE CHRISTINE

— Que marmonnes-tu donc entre tes dents, Christine ? demanda Ebba.

— Rien, rien ! Quelque chose qui ne regarde que Charles et moi.

— Comme tu es cruelle pour ce pauvre garçon, amie ! C’est un héros, tu sais, et il t’aime à en perdre le sens !

— Oui, mais pas le sens de ses intérêts, crois-le bien. Tu n’y comprends rien, Ebba, parce que tu ne sais pas tout !… Décidément, ils ne sont pas drôles, mes deux soupirants ! Par bonheur, je t’ai, et cela me suffit. Avec toi, Ebba, j’affronterais toutes les solitudes !

Trois heures venaient de sonner à l’horloge du château. Bercée par le doux glissement du traîneau, Ebba se taisait, contemplant rêveusement les cimes qu’une à une le soleil couchant touchait de son doigt rouge. Elle dit enfin d’une voix hésitante :

— Tu n’as pas oublié, Christine, que nous attendons d’autres compagnons.

— Qui donc ?

— Mais… Jacob de la Gardie. Ne l’avez-vous pas invité vous-même ?

— Ah ! la petite masque ! Voilà pourquoi tu défends mes prétendus amoureux avec tant de zèle ! C’est afin de pouvoir roucouler tout à l’aise avec le sire de la Gardie, pendant qu’ils me feront leur cour…

Ebba baissa la tête et l’on ne vit plus que le bout de son petit nez, rose de confusion. Puis :

— Mais il ne vient pas seul, Christine. Il amène son frère qui vient de passer plusieurs années à l’étranger…

— Lequel donc ?

— Magnus.

— Magnus ! Peut-on bien s’appeler Magnus !

— Il s’appelle aussi Gabriel…

— J’en ai entendu parler. C’est celui qui, paraît-il, ressemble le plus à sa mère, la belle Ebba Brahe. Décidément, le nom d’Ebba porte bonheur… Connais-tu l’histoire d’Ebba Brahe ?

— Comment la connaîtrais-je ? Avant de venir auprès de vous, je n’avais jamais mis le nez hors de mon vieux manoir !