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LE SECRET DE LA REINE CHRISTINE

pauvre diplomate suivait les jeunes filles d’un œil de cormoran offusqué.

— Allons, bon ! Voilà l’autre ! fit tout à coup la reine. Celui-là, c’est l’ours de la montagne qui fait le beau !

Charles-Gustave, tout emmitouflé de fourrures, haut et large comme un bastion, approchait à son tour.

Il se baissa, saisit la main de Christine dans ses grosses pattes et la baisa dévotement.

Puis se relevant :

— Ne me ferez-vous pas la grâce de patiner un instant avec moi, ma cousine, fit-il, tandis que ses gros yeux noirs et saillants prenaient une expression suppliante. À peine si je vous ai aperçue depuis mon arrivée ! Erick Oxenstiern qui se morfond là-bas se ferait une joie, je le sais, de pousser le traîneau de notre belle Ebba…

— Non, non ! s’écria celle-ci avec vivacité. Je n’ai besoin de personne. J’ai mes patins ! Et il faut que je prenne un peu d’exercice. Et rejetant la mante à capuchon, elle sortit du traîneau sa tête enfantine, coiffée de boucles vermeilles.

— Reste où tu es, Ebba, reste ! cria Christine d’un ton impérieux. Et se tournant vers Charles-Gustave :

— Quant à vous, mon cousin, inutile que nous causions. Je sais d’avance qu’à peine cinq minutes écoulées, vous commencerez à rouler des yeux en boule, à bâiller comme une carpe et à bêler lamentablement : « Quand m’autorisez-vous à demander votre main, Christine ? Quand pourrons-nous enfin nous marier ?… ». Eh bien, non, je suis en vacances et n’entends point parler mariage ! À demain les affaires sérieuses… et l’hymen ! En route, Ebba ! Allons voir quelle est cette troupe de cavaliers, là-bas, sur le flanc de la montagne, de l’autre côté du lac…

Et congédiant Charles d’un geste ironique de la main :

— Dieu vous garde, mon beau cousin ! s’écria-t-elle. Et à demi-voix, pour elle-même, elle ajouta :

— Va retrouver ta p…, butor !

L’ours, après le héron, demeura, les bras ballants, piteusement planté sur la glace.