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LE SECRET DE LA REINE CHRISTINE

obligatione posthac vell loqui latine cum nostro praeceptore. »[1] Ouf, c’est trop long ! Vous le lirez tout entier, maître, je crois qu’il n’y a pas trop de solécismes !

— Bravo, Madame, vous ne pouviez me causer plus grand plaisir !

— Et c’est juré, vous savez ! Mais, en retour, voulez-vous m’accorder une faveur ?

Et Christine frotta câlinement sa joue contre la large manche de son professeur.

— Quoi donc ?

— Eh bien, par exception, voulez-vous me laisser partir ce matin vers 10 heures ? Il faut bien que je secoue mes humeurs. Et puis j’ai une envie folle d’essayer mon poney aux longs poils bourrus qui me vient du Shetland, une envie plus folle encore de galoper à travers la forêt pour me décrasser l’esprit des sermons de mes duègnes ! C’est accordé ?

— Soit ! Nous remettrons donc à cet après-midi la réponse à la lettre que nous manda de Hollande l’aimable savant, M. Grotius.

Pendant quatre heures, Christine travailla sans relâche, sans une pause, les sourcils attentifs, les mains dans ses cheveux, soutenant son front incliné. Sa prompte aptitude à tout comprendre, sa rage d’apprendre étaient telles qu’elles surprenaient et ravissaient son précepteur.

À dix heures pourtant, d’un bond elle sauta sur ses pieds, s’étira en bâillant, s’excusa, puis, les prunelles brillantes, déjà frémissante de plaisir et d’ardeur, elle allait prendre son vol quand un page à la livrée royale entra et s’inclinant profondément :

M. le Chancelier, dit-il, fait demander à Sa Majesté si Elle veut bien le recevoir.

Christine tourna vers son maître un visage bouleversé et ouvrit la bouche.

La retenant du geste, celui-ci répondit aussitôt :

  1. Nous soussignée, promettons et nous astreignons par le présent engagement de vouloir à l’avenir parler latin avec notre précepteur, etc.