Page:Viollis - Le secret de la reine Christine, 1944.djvu/48

Cette page a été validée par deux contributeurs.
44
LE SECRET DE LA REINE CHRISTINE

— Une petite fille bien tourmentée et que des peurs macabres réveillèrent la nuit longtemps après le départ de ma mère. Je me souviens notamment qu’une veille de Pâques, mon précepteur, Jean Matthiae, m’emmène au prêche. Il s’agit du jugement dernier et le prédicateur est éloquent. J’entends comme si j’y étais déjà la terrible trompette qui réveille les morts. Je vois les squelettes sortir de leurs tombes en dansant, la mâchoire branlante, leurs orbites caves emplies de flammes. Mon père est là. Il veut comme autrefois me saisir dans ses bras. Mais ce ne sont que de grands os durs qui m’entrent dans la chair. Je me débats, je crie, je m’évanouis. Il faut m’emporter. Je demande ensuite à Matthiae :

— Vous ne m’avez jamais parlé de ce terrible jugement. Est-ce cette nuit qu’il aura lieu ?

Mais Matthiae se met à rire :

— Ne craignez rien, mon enfant, vous entrerez au paradis des reines, mais, pour pénétrer dans ce beau pays, il faut prier, il faut être bien sage…

— L’année suivante, continua Christine, même sermon. Mais cette fois, l’effet fut nul. Je demandai seulement en souriant à mon précepteur :

« Est-ce que tout ce qu’on enseigne dans la religion luthérienne est aussi… cocasse que ce jugement dernier ? » Le cher homme fit un bond de carpe. Il me rabroua durement, parla même de me donner le fouet. Trop tard. Je ne croyais plus à la religion dans laquelle je fus élevée, j’appris seulement à dissimuler et me fis une religion à ma mode.

Ebba se pencha vers elle, le visage bouleversé :

— Que dis-tu là, Christine ? J’ai entendu murmurer ces derniers temps que tu voulais te convertir à la foi catholique. Serait-ce vrai ?

— Tout à l’heure… Je te dirai… Rien n’est encore décidé…



L’éducation de Christine fut confiée à la princesse Catherine