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LE SECRET DE LA REINE CHRISTINE

— Hou ! la vilaine ! Emportez-moi ce petit singe et qu’on l’épile au plus vite !

— Tu es tout de même la fille de Gustave-Adolphe, du grand héros qui t’aime ! murmurait à l’oreille de l’innocente sa nourrice, en la couvrant de baisers. Et quoique noire, tu seras belle ! N’as-tu pas déjà des prunelles de velours à faire damner un saint ?

Anna de Linden savait-elle qu’en retour de cette tendresse elle deviendrait la mère d’un maréchal du royaume ?

Des dangers néanmoins entourèrent le berceau de l’enfant, privée de l’amour maternel.

On parlait d’intrigues politiques, de manœuvres meurtrières. Le roi Sigismond de Pologne, prétendant à la couronne de Suède, aurait, dit-on, fait perpétrer des attentats contre le frêle obstacle dressé contre ses ambitions.

Peu de temps après sa naissance, c’est une poutre qui, mystérieusement, s’abat sur son berceau et l’écrase. Par miracle, la petite ne fut pas touchée. Ce sont aussi des servantes qui la laissent négligemment tomber. Si bien qu’on s’aperçut un jour qu’une de ses épaules était plus haute que l’autre.

— Bah ! disait plus tard Christine, je l’ai si bien dissimulée par mon maintien et mes ajustements que j’en ai fait une parure.

Parmi tant de disgrâces et de dangers, l’amour de son père ne faisait que croître.

— Elle me succédera, elle sera reine, répétait-il.

Prévoyant la résistance et l’hostilité qu’elle rencontrerait, il réunit les États Généraux le 24 décembre 1627. Ceux-ci, animés du même esprit antipolonais que le roi, opposèrent à Sigismond, inconciliable adversaire de Gustave-Adolphe, cette petite héritière au maillot et lui prêtèrent un solennel serment d’allégeance.

— La fortune et la victoire badinèrent avec mon enfance, fit Christine. Le trône, tel fut mon berceau. Et l’on vit ma majesté royale demander le sein de sa nourrice, au milieu des génuflexions de tous les grands du royaume.

Devant cette volonté de tout un peuple, Sigismond perdit ses espoirs et cessa ses intrigues. La petite Christine put grandir en paix.