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III


— Je viendrai après le banquet, avait dit Christine. Attends-moi.

Ebba Sparre, ou plutôt Ebba de la Gardie, attendait depuis près d’une heure — il en était neuf — dans ce salon orné de portraits de la reine à tous les âges.

— Elle a toujours eu le goût passionné de se faire peindre, pensait Ebba en regardant vaguement autour d’elle. Ne s’est-elle pas fait représenter en Artémis, en Pallas, en Penthésilée, la reine des Amazones ?

Cette petite pièce en rotonde était la plus intime, la plus aimable du sombre château. C’est là qu’aimait se tenir la reine pendant ses séjours à Upsal, là que les deux jeunes filles, au temps de leur insouciante jeunesse, échangeaient leurs secrets, mêlaient leurs rires et parfois leurs larmes, devisaient d’amour, préparaient jeux et divertissements.

Au lieu de sièges de cuir aux lignes dures, ce salon était meublé de canapés et de fauteuils dorés, aux coussins moelleux couverts de soies brochées, de riches tentures, de bibelots précieux, cadeaux envoyés de Paris par Chanut, l’ancien ambassadeur de France, resté un des amis les plus chers de Christine.

C’est dans un de ces fauteuils qu’Ebba était gracieusement pelotonnée, devant la vaste cheminée aux lourds chenêts de fer. Bien qu’on fût en juin, les soirées étaient toujours fraîches dans ce pays des frimas et des bûches, ou plutôt des troncs d’arbres, flambaient joyeusement en pétillant dans l’âtre.