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le secret de la reine christine

— Qui a fait ma fortune ? fit le Comte d’un ton étrange.

— N’est-ce pas à cause de lui que tu es ici, lui qui m’a sauvé la vie et que j’ai aimé parce qu’il m’aimait ? Une haine pareille et sans raison pour un homme qui ne t’a fait que du bien me répugne comme la vue d’un crapaud dans une source… Va-t’en, te dis-je !

Sentinelli fit quelques pas vers la porte, puis, se retournant soudain, se précipita aux pieds de la reine.

— Madame, Madame, s’écria-t-il, pardonnez-moi ! Mais c’est le profond attachement que je porte à Votre Majesté, c’est le souci de votre bonheur qui m’ont poussé.

Christine, avec mépris, retira sa jupe dont Sentinelli avait saisi les plis.

— Je sais. Tu es, dis-tu, amoureux de moi. Mais ne vois-tu pas, misérable, que ton soi-disant amour m’offense et me dégoûte ? Peux-tu entretenir le moindre espoir de supplanter un rival dont tu sembles le valet ?

Sentinelli se redressa, pâle, la lèvre sarcastique.

— Je n’ai aucun espoir, Madame, sauf celui de ne pas vous laisser jouer par un coquin sans scrupules qui abuse depuis trop longtemps de votre confiance et de votre bonté.

— Que veux-tu dire encore ? Ne m’as-tu pas assez torturée ?

— Lisez, Madame.

Et il déposa sur la table une liasse de lettres dont l’une était ouverte. Les yeux de la reine tombèrent sur cette phrase, de l’écriture de Rinaldo : « Quelle volupté d’oublier dans vos beaux bras d’albâtre la carcasse noire et poilue à laquelle je suis rivé !… ».

— Ces lettres, poursuivit rapidement Sentinelli, sont adressées à une dame romaine qui, s’apercevant de l’indignité du Sire, vient de rompre avec lui et les renvoie pour les lui rendre !

Mais Christine ne semblait pas entendre, les doigts crispés sur la lettre. Ses yeux étincelaient. De pâle elle était devenue livide. Tout son corps tremblait. Elle semblait respirer avec peine.

Enfin elle se leva, jeta la lettre par terre, la piétina avec rage puis se dirigeant lentement vers la fenêtre en titubant, s’y appuya les mains aux tempes.

Au bout d’un instant, à demi-voix, comme pour elle-même :