Comme à son premier voyage, l’absence avait ranimé et exalté un amour que l’habitude aurait pu émousser.
— Le courrier annonce-t-il enfin le retour de Rinaldo ? demanda encore la reine avec impatience.
Sentinelli se tenait debout devant elle, toujours silencieux, l’air hésitant.
— Mais parle donc enfin ! Lui serait-il arrivé malheur ?
— Non, non, Madame. Monaldeschi doit rentrer dans deux jours et sans doute en parfaite santé. Mais le courrier apporte d’autres nouvelles qui agréeront moins à Votre Majesté.
— Lesquelles ?
— Vous ne serez point reine de Naples, Madame !
— Comment ? Que dis-tu ?
— L’Espagne, Madame, est au courant de tous vos plans…
— Comment le sais-tu ?
— J’en ai ici la preuve !
Et Sentinelli frappa sur un paquet de lettres.
— Qui donc a osé ?
— Qui serait-ce sinon celui auquel vous avez confié la conduite de cette affaire ?
— Monaldeschi ? Tu mens, Comte ! Tu es jaloux de lui, tu l’as toujours été, depuis le jour où je l’ai distingué. Vos rivalités, vos perpétuelles querelles ont depuis un an empoisonné mon séjour à Rome, changé ma maison en une infernale pétaudière. Je ne veux pas t’écouter. Va-t-en !
Christine était pâle, tremblante.
Mais Sentinelli demeurait immobile, le visage impassible.
— Ah ! Madame, puisque je vous dis que je possède ici la preuve de sa trahison. J’avais depuis longtemps mes soupçons. En voyant dans ce courrier des lettres à son adresse avec le timbre d’Espagne, j’ai cru de mon devoir de les ouvrir.
— Donne !
Christine ouvrit nerveusement quelques lettres, les parcourut puis les jeta dédaigneusement sur la table. Et après un silence :
— Si Monaldeschi semble, en effet, m’avoir mal servi dans cette affaire qu’il faudra éclaircir, toi, Sentinelli, tu te conduis de bien vilaine façon en trahissant un ami qui a fait ta fortune…