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le secret de la reine christine

Ce sont les jours heureux du lac Moelar, mais avec une joie pleine et comblée. Car cette fois rien ne s’oppose à sa passion. Ni son orgueil, ni sa dignité de reine.

Elle étreint cet amour à pleins bras, à pleines lèvres, avec toute la violence de son tempérament, de sa jeunesse épanouie, trop longtemps contenue et bridée. Elle est fière de son infatigable amant, de sa beauté, de sa fougue, de son esprit. Plus fière encore de savoir qu’il l’aime, pauvre et abandonnée, plus que Christine, dans toute sa gloire et sa puissance, n’a jamais été aimée.

Quand elle le tient serré contre elle :

— Si Dieu existe, soupire-t-elle, je le remercie de ce que j’aie connu le bonheur et puisse mourir maintenant.

Ce bonheur, elle le retrouve dans les noirs bois de pins dont le soleil fait briller les troncs de laque rouge ; devant le fleuve, éblouissant et magnétique comme une lame au soleil ; devant l’écureuil qui grignote une pomme de pin et disparaît dans un chêne ; devant la cathédrale rose et cloutée d’or, s’élançant d’un seul jet vers le ciel.

Elle l’étale devant Sentinelli un peu boudeur, devant Clairet indulgent et complice, devant Jean Holm offusqué. Elle l’étale d’autant plus qu’il lui faudra bientôt le cacher.

— M’aimeras-tu toujours, maintenant que tu vas retrouver ta famille ? lui demande Monaldeschi avec une inquiétude qui, cette fois, n’est pas feinte.

Elle se contente de sourire et de lui serrer la main.



Il fallut pourtant se décider à entrer à Hambourg. Par un soir vermeil de la fin de juillet, une petite troupe de cavaliers aux vêtements déteints et poussiéreux s’arrêta devant la somptueuse demeure du Juif portugais Diego Texeira, qui s’était habilement occupé pour la reine de questions d’intérêt et qu’elle allait charger de la gérance de ses biens.

C’est là qu’étaient installés les gentilshommes de Christine qui commençaient à désespérer de la revoir.