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XIX


Il y a dans la vie des sommets après lesquels on ne peut que redescendre. Entre l’existence de Christine reine, étroitement comprimée entre tant de devoirs, et celle de Christine, déchue mais toujours souveraine, dispersée entre tant d’obligations et de plaisirs, ce voyage fantaisiste, de la petite hôtellerie danoise à la ville de Hambourg, devait former la plus bienheureuse des trêves.

Christine a retrouvé son adolescence et son insouciance. Il fait un temps d’or, elle se porte comme elle se portait à seize ans, elle caracole, galope, se baigne dans les rivières, pique-nique dans les forêts, chante, babille, dort à poings fermés dans de misérables auberges. Elle découvre l’amour et le monde. Elle sème son bonheur le long des routes et à tous les vents.

— Je t’aime, Rinaldo ! crie-t-elle à son amant.

— Je l’aime ! dit-elle à Sentinelli, à Clairet.

— Cela se voit de reste, Madame, répond celui-ci avec un large sourire.

Sentinelli, vaguement jaloux, se contente de s’incliner.

Et à Jean Holm :

— Je suis heureuse ! lui confie-t-elle.

Mais Jean Holm continue à se lamenter :

— Un papiste, Madame. Ah ! tout cela finira mal !…

Christine ne fait qu’en rire. N’est-elle pas libre, comme elle n’eût jamais rêvé qu’on pût l’être ?