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le secret de la reine christine

— Vous l’avez dit, Monsieur : un tuteur indigne m’a dépouillé de tous mes biens. Il voulait par surcroît abuser de l’orpheline qu’on lui avait confiée. J’ai dû fuir en prenant le nom d’un de mes cousins. Je dois retrouver des parents à Hambourg. Mais jusque-là je ne suis qu’une pauvre fugitive, poursuivie et traquée, avec la seule protection de deux valets dévoués. *

Christine qui venait sur-le-champ d’inventer cette fable, se laissa tomber, accablée, dans un fauteuil.

À genoux, Monaldeschi se rapprocha d’elle. Il lui prit les deux mains et la tenant sous l’emprise magnétique de ses yeux si étrangement clairs dans sa peau bronzée, ses yeux débordants d’amour et de pitié, il lui dit d’une voix émouvante, plus chaude qu’une caresse :

— Non, vous n’êtes plus seule, Mademoiselle ! Vous avez désormais un chevalier qui vous consacre sa vie et vous suivra jusqu’à l’heure où vous retrouverez votre famille ; un ami qui veillera sur vous, vous protégera, vous défendra non seulement avec un dévouement absolu, mais avec la plus ineffable des joies… Comment vous appelez-vous, pour que je puisse vous invoquer dans mes rêves ?

— Éléonore, murmura Christine, pensant à sa mère.

— Éléonore, ma bien-aimée, soupira-t-il tout bas d’une voix enivrée.

Glissant doucement sa main par l’ouverture du pourpoint, il couvrit de baisers brûlants les mains, les bras, les tendres seins palpitants, puis remontant insensiblement jusqu’à la bouche, il la tint enfin, tremblante et consentante, sous ses lèvres impérieuses. Quand Monaldeschi souleva Christine, défaillante sous ses mains expertes, et la porta jusqu’au lit : « Dieu merci, je ne suis plus reine ! » soupira celle-ci en roucoulant comme une tourterelle. Et elle ferma bienheureusement les yeux.

C’est ainsi que la dernière et orgueilleuse descendante des Vasa, la fille du grand Gustave-Adolphe, celle qui avait refusé comme époux princes régnants, rois et empereurs, celle qui avait su lutter héroïquement contre un premier amour qui la consumait, s’abandonna sur un lit d’auberge entre les bras d’un inconnu, d’un aventurier.