C’était un jouvenceau svelte, cambré dans son simple justaucorps de cuir, les cheveux flottants sur les épaules, le profil fier et busqué, les yeux pleins de flamme, le sourire éclatant.
Des murmures s’élevèrent comme des feux follets au-dessus de la foule :
— C’est elle…
— Notre petite reine !
— Le plus parfait cavalier du royaume !
— Aujourd’hui encore elle a voulu courir nos bois…
— Oui, fit une voix ironique, sur le cheval que lui a donné l’ambassadeur d’Espagne, Pimentel, un de ces damnés étrangers dont elle s’est férue !
— La dernière fois que nous la voyons ainsi !
— Son dernier jour ici !
— Le dernier !
Pourtant aucun cri, nulle acclamation ne salua Christine.
Parmi les milliers d’yeux qui la contemplaient avec une ardeur passionnée, beaucoup étaient mouillés de larmes. Elle avançait dans le silence, un silence pesant d’adoration, de reproche, de douleur. Alors s’arrêtant net et d’une voix au timbre grave, émouvant, une voix d’homme qui savait s’adoucir, elle s’écria :
— Pourquoi si tristes, messeigneurs, et vous, bourgeois et marchands, et vous surtout, paysans des plaines et des montagnes, les plus chers à mon cœur. Si tristes, alors que vous me voyez heureuse de reprendre ma liberté ? Demain vous aurez un nouveau roi, un meilleur roi, mon bon et cher cousin Charles-Gustave, et vous oublierez Christine…
Un chœur gémissant de protestations et de reproches la suivit tandis qu’après un dernier signe de tête, un dernier geste de la main, elle se dirigeait vers une porte latérale du château. Tous la suivirent longuement du regard. Mais le vieux danneman Larsson tourna le dos, en haussant les épaules.