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XVI


Christine, après ces confidences et ces aveux, demeurait muette, pensive, les mains nouées autour des genoux. Ebba, qui avait repris sa place, assise à ses pieds, le front dans les plis de sa jupe, releva la tête :

— L’heure avance, Christine, murmura-t-elle. Bientôt, hélas ! — à minuit — on viendra vous chercher… Et il y a tant de choses encore que je voudrais savoir :

— Tant de choses ? Oh ! non… Les années qui suivirent furent tristes et mornes, surtout après que tu m’eus quittée, il y a tantôt cinq ans. Lève les yeux : c’est peu après ton départ qu’Abraham Wuchters, peintre hollandais, fit ce grand portrait, là-bas en face. Il illustra assez exactement cette maussade époque. Regarde ce ridicule costume d’apparat, cette grosse, perruque raide et frisée, ce col de fourrure qui révèle et souligne ma gorge maigrie, mon sein plat, mais regarde surtout ce cou tendineux, ce visage sec et désenchanté, ce long nez busqué qu’allongent encore les joues fondues, et cette bouche vaguement de travers qui ne sait ni ne veut plus sourire : une vieille fille amère et revêche, voilà ce qu’en quelques années l’amour déçu, les soucis et les fatigues du pouvoir, la vue des bassesses qui se traînent au pied des trônes, avaient fait de ta malheureuse amie, de l’adolescente qui contemplait l’avenir avec tant de confiance et de radieuse allégresse !