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LE SECRET DE LA REINE CHRISTINE

— Ah ! Ah ! Tu t’en souviens ? Mais ne fallait-il pas continuer à feindre des sentiments que je n’éprouvais plus ? Il revenait d’ailleurs, je le confesse, plus charmant et charmeur que jamais : spirituel, fringant, rayonnant de ses succès dans les cercles les plus raffinés de Paris. Il en rapportait la grisante atmosphère, se répandait en bons mots, en galantes épigrammes, en anecdotes grivoises, ayant ajouté à ses dons naturels l’expérience d’un homme de Cour, et de quelle Cour !

« Il subjuguait et fascinait, ne négligeant point par ailleurs de développer quelques aperçus diplomatiques qui, au premier abord, pouvaient paraître profonds. En bon Gascon, il en profita pour se faire nommer sénateur, maréchal de la Cour, grand Trésorier…

— Que d’envieux il se fit alors ! Que d’ennemis dont il ne se soucia point de forcer l’estime par des mérites plus solides ! Si différent sur ce point de son frère, mon cher époux Jacob…

— J’oubliais, en effet, que vous êtes alliés, et de fort près ! Ce qui néanmoins n’a pas nui à ta clairvoyance. La mienne restait entière. Et je n’étais pas sans m’apercevoir qu’apparemment épris de sa fiancée, il espérait toujours me conquérir. Je hâtai donc les préparatifs du mariage qui eut lieu au cours de l’été, après son retour. Je mettais ainsi une barrière de plus entre moi et une passion mal éteinte, toujours prête à se réveiller. Au souci de ma dignité se joignait maintenant le devoir de ne point compromettre le bonheur d’une jeune parente que m’avait confiée sa mère. »

— Aujourd’hui que tout est si loin, puis-je vous avouer que, le jour des noces, vous me parûtes pâle, nerveuse, les traits tirés ?

— Après un dernier combat contre moi-même pendant la nuit, je m’étais éveillée avec la migraine… La légende veut qu’au moment où, avant le service religieux, les deux mariés se sont rencontrés, j’aie dit à ma cousine :

— Le voici, je te le donne puisque je ne peux en jouir…

En réalité, c’est en ces termes que j’ai remis à Magnus Marie-Euphrosyne, toute rose dans ses voiles blancs et d’une fade joliesse de dragée :

— Je vous confie, maréchal, l’être qui m’est le plus cher en témoi-