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LE SECRET DE LA REINE CHRISTINE

— Vous n’avez jamais chassé l’ours à l’épieu, Magnus ? demanda-t-elle.

— Non, Madame, mais je sais fort bien comment on s’y prend. Et se tournant vers Larsson :

— Il faut frapper l’ours avec l’épieu au cœur ou au ventre, n’est-ce pas ? Puis, s’il n’est pas mort, l’achever avec la dague. Le danneman hocha la tête :

— Très joli à dire, mon jeune Monsieur. Mais c’est plus difficile à faire. Il se peut très bien que vous en sortiez ou plutôt que vous n’en sortiez pas, avec le crâne, la cuisse ou le bras en morceaux…

— Magnus, il faut y renoncer, fit impérieusement Christine.

— Oh ! Madame, qu’ai-je fait pour mériter cette disgrâce ?

— Cédez-moi votre place ! s’écria impétueusement Charles-Gustave. J’ai, moi, plusieurs ours à mon tableau.

— Cela, jamais, mon cher ! rétorqua le jeune Gascon. J’ai été désigné par le sort et c’est moi qui tuerai Sa Majesté fourrée et mettrai sa peau à vos pieds, Madame. Ou bien il me tuera. Et alors, ma Reine, peut-être daignerez-vous m’accorder mon pardon et un peu de pitié ?

Christine, sans répondre, leva les épaules avec humeur. La caravane allait se mettre en route quand le danneman rappela Magnus :

— Tu me plais, garçon, fit-il. Donne ton bras. Et il roula très soigneusement une grosse corde autour de ce bras.

— Écoute, fit-il, quand le poilu s’amusera avec ce joujou, tu lui planteras l’épieu dans le cœur, d’un seul coup. Le reste, c’est affaire à ta force, à ton adresse. Mais j’aime mieux te dire tout de suite que ce n’est pas commode. Et maintenant, plus un mot. Nous approchons de la tanière. Tu vois comme elle est près de chez moi…

Et se retournant, il fit signe aux autre ? de se taire.

C’était un lieu d’une pittoresque sauvagerie : d’énormes blocs de rochers qui s’étaient naguère détachés de la montagne au-dessus et avaient roulé sur les pentes s’enchevêtraient aux pins qu’ils avaient fracassés dans leur chute. Tout autour, sur les terres entraînées avaient poussé de jeunes arbres couverts de glaçons qui brillaient comme les pommes d’argent d’un arbre de Noël.