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LE SECRET DE LA REINE CHRISTINE

fourrure. Et se faufilant partout, échappés des bâtiments de l’Université dont la brique rose luisait doucement à travers les arbres, des étudiants blonds, en cape et bonnet noirs. Enfin, à toutes les fenêtres des maisons de bois, autour de la vaste place, se pressaient des têtes curieuses.

Rien néanmoins de cette animation, de cette gaîté qui caractérisent les foules en fête.

Tous ces hommes, — rien que des hommes, — dont beaucoup étaient venus de très loin, des forêts du Nord aux grands lacs du Sud, étaient là, serrés en groupes, les bras pendants, les regards mornes, n’échangeant que de rares propos et du bout des lèvres.

Deux jeunes gentilshommes qui venaient d’attacher leurs chevaux devant une hôtellerie dont l’enseigne de cuivre se balançait à une des extrémités de la place, contemplaient la scène avec étonnement. Deux étrangers, sans doute, si l’on en jugeait par leur allure et leurs vêtements couverts de poussière.

L’un d’eux, un beau cavalier de vingt-quatre à vingt-cinq ans, dont les yeux d’un bleu de glacier formaient avec son teint basané un singulier contraste, s’avança vers un groupe de seigneurs qui devisaient à voix basse :

— Pardonnez-moi, Messieurs, fit-il en s’inclinant avec grâce, mais que se passe-t-il donc dans votre bonne ville ? Nous n’avons pu trouver ni chambre ni repas dans aucune des hôtelleries…

Il parlait en français, pimenté d’un accent un peu chantant.

— Vous êtes, en effet, mal tombés, Messieurs, répondit avec courtoisie le doyen du groupe, un vieillard au front dégarni, à la blanche barbiche. C’est aujourd’hui la réunion des États du royaume.

— Peut-être suis-je indiscret ? continua le jeune homme, mais est-il d’usage dans votre pays de considérer ces assemblées comme une catastrophe ? Êtes-vous toujours en Suède d’humeur aussi mélancolique ? Ou bien quelque malheur vous affligerait-il ?

Les gentilshommes échangèrent des regards :

— Vous ne savez donc pas ? fit l’un d’eux, d’un ton hésitant.