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criquet

M. Dayrolles hésitait. Le ciel était alourdi de nuages, mais il n’y avait plus de vent. On pouvait toujours relever les lignes de congres et, si le temps se maintenait, aller retrouver à Saint-Pleuc, un îlot à quelques kilomètres de là, le reste de la famille qui devait partir quelques heures plus tard pour y déjeuner.

— Allons, saute, Criquet, fit-il, décidé. Nous partons.

Camille n’entendit pas. Elle faisait claquer sous ses semelles les cosses brunes et humides des algues qui pendaient en guirlandes le long des marches de l’escalier. On n’apercevait, entre ses mèches, que la ligne de son cou mince, le haut de sa lèvre en moue et un peu de son front bombé, creusé d’une ride chagrine.

— Voyons ! reprit M. Dayrolles avec impatience. C’est pour toi que je sors à trois heures du matin par un chien de temps et tu ne daignes même pas répondre ? Bouderais-tu, par hasard ? Prends garde : défaut de femme !

Camille tressaillit, sauta dans la barque d’un bond souple, jeta vers son père un coup d’œil de reproche et alla se blottir à l’avant, contre le mât où l’on hissait la voile qui craquait.

Elle n’avait aucune envie, cette fois, d’aider à la manœuvre. Bouder, elle ? Quelle injustice ! Elle était déçue, tout simplement. Elle avait attendu son père avec tant d’espoir et depuis tant de jours ! Et voilà