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buis arborescents et des lauriers taillés. Des filets de fumée s’élevaient au-dessus des toits, plus gris que la lumière avare ; on poussait les volets, des portes s’ouvraient et l’on apercevait confusément des formes affairées devant les tables où luisaient des faïences peintes ; des chats tournaient autour, le dos en arc, la queue haute ; un petit enfant vagissait, un vieux sortait, en clignotant de ses yeux rougis, pour observer le ciel ; cela sentait les lits défaits, le bois humide qui brûle, le café noir et l’alcool. La tristesse pauvre de ce réveil ajoutait à l’amertume de Camille…

Le port large et rond, empli de brouillard bleuté, semblait un bol de lait fumant.

— Ohé ! Le Bihan ! cria M. Dayrolles.

— Ohé ! répondit aussitôt une voix traînante, étrangement proche.

Et l’on vit glisser dans la brume un gros insecte noir aux longues antennes, qui paraissait très éloigné, tandis que l’on percevait avec une netteté parfaite des bruits de chaînes, des coups d’aviron dans l’eau clapotante, et le crissement de la quille contre les pierres de la jetée.

— Ne craignez-vous pas qu’il y ait de l’orage, Le Bihan ? fit M. Dayrolles, avant d’embarquer. L’air est si sonore !

Le pêcheur tourna brusquement son profil pointu de hareng à droite puis à gauche, respira le brouillard en rentrant les lèvres, secoua la tête et ne dit rien.