Page:Viollis - Criquet, 1913.djvu/71

Cette page a été validée par deux contributeurs.
59
criquet

— Qu’y a-t-il donc de cassé ? Des difficultés diplomatiques du côté de tante Éléonore ou de miss Winnie, je parie ?

— Oui et non. Il y a de ça, mais c’est bien, bien plus grave…

Un soupir convulsif gonfle puis serre sa gorge ; son cœur s’arrête. Elle sent le bras de son père autour de ses épaules ; il la regarde d’en haut, un peu inquiet.

— Mais tu es tout pâle, mon Criquet. As-tu froid ? As-tu mal ? Voyons, dis vite !

Un silence. Camille frotte ses poings crispés sur le fond de ses poches : elle y retrouve les ficelles, les coquillages, les clous, son couteau rouillé. Elle n’ouvrira donc jamais la bouche ? C’est qu’elle ne sait pas causer intimement avec son père. Il est gentil pour elle, ils s’aiment bien, mais ils ne se connaissent pas ; sauf Michel, qui la connaîtrait, d’ailleurs ?… La main, la grande main lui presse doucement le bras. Il faut parler maintenant. Elle passe sa langue sur ses lèvres sèches, rejette son capuchon, pousse un autre soupir et très vite, d’une voix haletante :

— Eh bien, voilà, papa, j’ai réfléchi, c’est entendu, décidé : je ne peux pas être une jeune fille !

M. Dayrolles s’arrête :

— Tu ne peux pas être une jeune fille ?

— Non, c’est impossible… Tout le monde le veut, tante Éléonore, miss Winnie, jusqu’à Michel… Moi, je n’y avais jamais songé : tu sais, quand on est petit