Page:Viollis - Criquet, 1913.djvu/64

Cette page a été validée par deux contributeurs.
52
criquet

Toute sa peine lui est revenue. Elle se sent seule, abandonnée, désolée. Elle n’a même plus d’amour-propre et, appliquant contre ses yeux ses deux mains fermées sur la bouteille, elle sanglote.

— Je vois avec plaisir que tu n’as pas le cœur trop endurci, déclare tante Éléonore, satisfaite. Je te laisse à tes réflexions, mon enfant. Sois bien persuadée que ce que je t’en dis, c’est pour ton bonheur…

Criquet entend la soie frôler les buis et un instant plus tard la voix métallique sonner dans la cuisine. Elle pousse encore deux hoquets douloureux, s’essuie les paupières, ouvre les yeux.

Comme il fait chaud, plus chaud encore que tout à l’heure ! Les plantes laissent pendre leurs feuilles comme des oreilles de chien. Tante Éléonore est peut-être bonne ; maman le dit ; mais papa lui a répondu un jour : « Oui, c’est un monstre de bonté et de dévouement. » Et pourtant, papa doit le savoir puisque c’est sa sœur. Allons ! n’y pensons plus !

Criquet se dirige vers le coin du jardin où luit, toute ronde, une cloche à melon, percée d’une ouverture que ferme un tampon de linge. La cloche est pleine de fleurs fraîches auxquelles sont suspendus des bourdons et des guêpes. Ils ont mauvaise mine : le velours de leurs vêtements est souillé, fripé ; ils ont replié leurs antennes ; dans un coin, deux d’entre eux sont couchés sur le dos, ternis, les ailes serrées, les pattes raidies.