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raissent dans le calice qui se penche sur la tige balancée et reviennent bientôt, les antennes ébouriffées, le velours de leur corselet saupoudré de pollen.

Alors Criquet avance sur la pointe des pieds et pose délicatement derrière eux sa bouteille. Ils y entrent à reculons, sans défiance, puis tout à coup, se sentant prisonniers, bourdonnent avec une indignation stupéfaite, prennent leur essor, se heurtent à la cloison transparente, glissent, retombent et recommencent.

Il y en a déjà huit, des gros, des petits, des bleus, des noirs, des roux et des blonds qui se récrient de toutes leurs voix graves ou aiguës, concert strident qui chatouille l’oreille. Le flacon est maintenant voilé de poussière jaune : au fond, une abeille avisée recueille ces trésors perdus : elle y roule d’abord sa tête et ses antennes, s’en barbouille comme un marmot de confiture, puis lentement, méthodiquement, passe ses pattes de devant sur ses moustaches, fait glisser le pollen le long de son ventre et l’agglutine à ses pattes de derrière en lourdes masses d’or cireux.

« On dirait qu’elle a mis des bottes rousses, comme les moujiks du général Dourakine », pense Criquet, enchantée.

Elle place la fiole dans un rayon de soleil : que c’est joli, ces petits corps remuants et poudrés ! Puis, son nez sur le goulot, elle respire à grandes lampées : tout le parfum mêlé des fleurs la pénètre, avec