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choisiraient celle qu’ils aimeraient parmi les routes larges ouvertes.

« Ce sont des garçons, eux », murmura Criquet ; et une bulle de jalousie, montant de son cœur crispé, sécha sa bouche.

— Allez-vous-en et laissez-moi la paix ! fit-elle rudement.

Mais elle vit dans le visage levé des deux enfants leurs yeux bruns tout ronds de surprise et le pli tremblant de leur bouche entr’ouverte.

Elle se souvint alors de leur admiration docile : elle revit Marc mâchant d’un air solennel et dégoûté la grosse limace rouge qu’elle avait fait cuire sur le fourneau de la cuisine ; elle songea que Maurice avait bien des fois échangé ses plus belles billes d’onyx et d’agate contre les simples billes de verre qu’elle lui proposait avec astuce. À les voir interdits et chagrins pour un simple mot, elle conçut un orgueil attendri :

— Allons ! Pleurez pas, les gosses, c’était pour rire !

Et glissant chacune de ses mains sous leurs boucles chaudes, elle les entraîna par le cou.

Le jardin, entre ses vieux murs tapissés de vignes et de rosiers, semblait une tasse peinte, pleine d’odeurs fumantes. Des figuiers aux branches tordues étendaient au-dessus des allées leurs feuilles immobiles, doublées d’argent mat, leurs fruits mauves alourdis de sucre, les figues-fleurs que mûrit le soleil