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rosiers se dressaient bien plus haut que sa tête ; les escargots et les fourmis paraissaient plus proches que les hommes de ses yeux ravis et de sa petite âme confuse ; des mystères surprenants se dévoilaient chaque jour…

Plus tard, elle se voyait, impatiente et joyeuse, danser sous la pluie d’avril en criant et en secouant ses cheveux ; ou bien, mêlée aux feuilles rousses qui arrachait le vent d’automne, elle se balançait à la cime d’un arbre ; elle gravissait, en courant dans les herbes mouillées, la pente d’une colline, d’où, chaque fois, elle espérait découvrir les pays merveilleux… Puis vinrent les galopades et les rires dans les allées du parc Monceau, dans les champs et les grèves de l’île Aulivain. Une seconde, elle revit la figure pourpre et indignée au-dessus de son col blanc, d’un garçon qu’elle venait de saisir par sa vareuse, après une poursuite effrénée… Était-ce donc fini, ces plaisirs aigus et simples qui avaient enchanté son enfance ? Finies cette vive liberté et cette insouciance ?

Elle serait une femme. C’est à peine si jusqu’alors elle y avait songé. On lui rappelait bien parfois qu’elle n’était pas un garçon ; il lui était arrivé d’en convenir elle-même ; mais elle ne croyait pas tout à fait être une fille, et le sens précis de l’existence qui demain l’attendait lui avait toujours échappé.

Une femme ! Elle évoqua toutes celles, jeunes ou vieilles, qu’elle connaissait : des paupières baissées,