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criquet

« Tiens, c’est vrai, il y a une glace… »

Elle tire la langue à son mince visage pâle et pointu où rient, entre des taches rousses, ses prunelles vertes, et se fait un collier barbu de ses mèches de cuivre qu’elle noue sous son menton, avec un gros nœud qui dégoutte. Puis ses yeux indifférents parcourent ses pieds rougis par le froid de l’eau, ses mollets bruns zébrés de cicatrices, ses genoux légèrement tournés en dedans, ses hanches aiguës, la rayure de ses côtes jouant sous la peau, toutes les lignes nettes, un peu sèches de son corps de garçonnet qui se mue en fille.

Mais voici que son regard se fixe :

— Qu’est-ce que c’est que ça ? fait-elle brusquement.

Elle fronce les sourcils, se penche vers la glace, lève les bras : de chaque côté de sa poitrine, la chair, semble-t-il, s’est soulevée autour des deux petites pointes rouges, en rondeurs légères et menues, d’une peau claire, veinée de bleu et toute neuve. Criquet les considère avec une inquiétude sérieuse, de face puis de profil, les effleure du doigt, timidement d’abord, puis avec plus de hardiesse et, de toute la force de ses paumes, essaie de les effacer. Mais, souples, élastiques, les rondeurs se redressent et revivent.

— Eh bien merci ! s’écrie-elle alors, stupéfaite, consternée ; et, sans souci du froid, elle retombe assise au fond du tub.