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criquet

vagues et comme roulés dans du brouillard, se précisent et s’animent : les pas lourds et mous, le gong du tub en fer blanc, l’eau qui tombe en nappes chantantes et rejaillit, les rideaux et leurs cliquetis d’anneaux de cuivre, la fenêtre qui gémit, craque et s’ouvre, puis la porte refermée, les pas qui s’éloignent, elle les reconnait un à un, tous les bruits des matins.

« Comme il fait frais ! songe-t-elle en respirant, le nez hors des draps. Et comme l’air sent bon aujourd’hui ! »

Elle attend maintenant d’autres sons coutumiers : les roues cahotantes de la charrette qui, parmi des cris barbares, s’arrête devant la porte pour vider les boîtes de tôle sonore, le tintement des bouteilles de lait que porte en sifflant le petit crémier, la corne gémissante des tramways qui s’ébranlent ou la bicyclette filant avec un grelot frêle…

Rien ! Rien que le susurrement du vent, quelques cris d’oiseaux et par-dessus tout un grondement étrange et profond : cela ronronne très fort, comme le train qui entre sous un tunnel, puis cela s’apaise pour recommencer… Qu’est-ce qui passe dans la rue, ce matin ? La broyeuse mécanique ?…

Mais tout à coup, les draps et les couvertures s’envolent aux quatre coins du lit, l’oreiller saute et s’abat au milieu de la chambre et Criquet, embarrassée dans sa longue chemise, vient tomber sur la natte de jonc, en criant :