Page:Viollis - Criquet, 1913.djvu/35

Cette page a été validée par deux contributeurs.
23
criquet

— Brave Jacques ! murmure Camille avec ferveur.

— Un criquet ? Encore ce nom absurde qu’il serait grand temps d’oublier… Et quand je dis : rien d’une fille, je me trompe d’ailleurs. Car tout à l’heure je la regardais de loin, dans ses hardes de coureur des bois, et je vous avoue, ma chère sœur, que j’étais scandalisée ! Elle a des mollets d’une longueur ! Sans compter… Elle se forme, cette enfant, et ce jersey avec cette culotte collante deviennent, je vous l’affirme, de la dernière indécence. N’est-ce pas, miss Jenkins ?… Miss Jenkins est de mon avis. Enfin, voyons, ma bonne Jeanne… il y a quelques années, Suzanne…

— Oh ! gémit la voix, ce n’est pas la même chose. Suzanne à toujours été raisonnable, tandis que Camille est encore une gamine.

— Pas la même chose, pas la même chose, c’est vous qui le dites ! Pour moi, conclut tante Éléonore d’un ton définitif, je prétends qu’à quatorze ans bien passés, on est une jeune fille… une jeune fille, vous entendez bien ! répète-t-elle, en martelant toutes les syllabes.

À ce moment même, quelque chose de bleu, de rond et de poudreux déboule du haut de la dune dans un flot de sable et vient rouler aux pieds de tante Éléonore interloquée. Ce quelque chose se ramasse, se déploie, et l’on voit Criquet, le béret de travers sur une tignasse saupoudrée de sable et de bruyère, le tricot remonté jusqu’aux épaules en bourrelets et en