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criquet

être suis-je bien plus faite pour être une fille… »

Mais une femme en cheveux qui tournait en balançant sa jupe dans l’allée solitaire, s’approcha d’elle.

— Veux-tu venir chez moi, mon petit coco ? murmura-t-elle d’un ton mielleux.

Camille fit un bond en arrière ; le dos rond sous une jaquette élimée, ses grosses mains rouges croisées sur le ventre, la face carrée, violette et ravinée, la femme semblait la considérer, la bouche entr’ouverte sur un trou noir ; et de ce trou sortirent tout à coup des injures :

— Zut alors ! un gosse ! Qu’est-ce que tu fais-là, à moucharder les gens ? Tu vas voir un peu si je t’attrape !

Camille s’enfuit, abasourdie, terrifiée, poursuivie par un flot de grossièretés. Que faisait cette femme ? Que voulait-elle ? Quel mystère de tristesse et de honte se cachait encore là ?

Elle n’avait plus envie d’être seule ni de courir. Tout à coup, elle eut peur des ténèbres, son costume la gêna, elle se sentit rougir à la pensée que le pantalon la serrait trop, elle tira sa pélerine, abaissa son capuchon sur ses yeux. Et justement, elle aperçut Michel qui arrivait, tout essouflé.

— En voilà des manières pour une jeune fille ! dit-il avec humeur. Je croyais t’avoir perdue, j’étais inquiet, je craignais de mauvaises rencontres. Je t’ai vue causer avec une femme, là, au coin, qui est venue m’accoster ensuite. Qu’a-t-elle pu te dire ? Ah ! c’est du joli !