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courir ! Si j’avais su, j’aurais emporté mon vieux cerceau ! Attends-moi un instant… Au revoir, beau ténébreux ! Michel le Taciturne !

Gamine, les pieds joints, portant la main à son capuchon avec un salut militaire, elle sauta sur un banc, le franchit en deux enjambées, retomba sur le sable et disparut au grand galop dans l’allée envahie de brouillard.

Elle frappait du talon le sol mouillé qui rebondissait, lançant en avant puis en arrière, comme aux jours lointains des vacances dans l’Île, ses jambes qu’elle sentait fortes, élastiques, et si libres dans les gaines étroites du pantalon, renversait parfois une chaise de fer, s’élançait sur tous les bancs qu’elle traversait en deux sauts, et, griffant les buissons au passage, recevait en pleine figure des gouttes d’eau et des brindilles. L’air humide sifflait contre ses joues, glaçait ses dents et pénétrait jusqu’à ses poumons ; les statues, les arbres, les maisons en bordure avec leurs lumières, filaient à ses côtés comme des ombres, les pas de son cousin se perdaient derrière elle, elle allait toujours, emplie d’une singulière ivresse, à la fois puérile et sérieuse, se répétant : « Je suis un garçon ! Je fais ce qu’il me plaît ! Je suis un garçon ! » Et en même temps, une voix ténue lui susurrait à l’oreille : — C’est la dernière fois que tu cours ainsi… la dernière fois…

Elle s’arrêta enfin, haletante, suffoquée, près de la