Page:Viollis - Criquet, 1913.djvu/302

Cette page a été validée par deux contributeurs.
290
criquet

ses sensations courtes et violentes de petit homme,

Elle, marchait, courbée sous sa longue pèlerine, les yeux baissés, le pas traînant, surprise de ne pas se sentir plus joyeuse de cette escapade, frêle gamin aux pensées et à l’âme vieillies.

Ils arrivaient au parc Monceau. Le soir tombait : un peu de brume flottait autour des globes de lumière bleue qui chignaient dans l’air humide. Des ombres s’avançaient, grandissaient, faisaient crier le sable sous leurs pas, puis s’enfonçaient dans les allées obscures ; un gros chat blanc sortit d’un bosquet et vint se frotter en ronronnant contre les jambes de Camille : une odeur âcre de dahlias monta d’un massif assombri ; les canards, près de l’étang aux colonnes, firent entendre leur chœur nasillard, puis un grand souffle mou, le souffle de la nuit, courut sur les pelouses d’où s’éleva un vol d’oiseaux noirs, tandis que les arbres s’étiraient avec langueur. C’était une inquiétude tendre et mélancolique, une attente indéfinissable, comme d’un soir de printemps égaré dans cet automne.

Un homme et une femme murmuraient, enlacés sur un banc ; leurs deux têtes se rapprochèrent et ce fut le silence d’un long baiser.

Michel les regarda au passage, poussa un petit soupir, glissa son bras sous la pèlerine et entoura la taille libre de Camille.

— Vois-tu, lui glissa-t-il dans l’oreille, ce sont des