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criquet

Dans le ciel opaque, un rayon de soleil d’un rouge cuivre filtra tout à coup et glissa le long des façades jusqu’au trottoir mouillé qui s’alluma. Une petite voiture chargée de chrysanthèmes et des premiers mimosas traversa la rue comme une vive parure : les branches en éventail d’un arbre dont on n’apercevait que le faîte au-dessus d’un toit d’ardoises se penchèrent en balançant leurs feuilles rousses : la triste journée grise semblait s’éveiller au moment de mourir.

Camille étendit ses bras, les fit craquer, étira tout son corps mince, gonfla sa poitrine d’un large soupir, puis d’un bond s’élançant jusqu’à la table, s’y assit, réfléchit un instant en balançant les jambes, les yeux posés sur Michel, avec un regard à la fois suppliant et malicieux :

— Veux-tu me faire un plaisir, mon petit Michel ? demanda-t-elle, en traînant un peu la voix.

— Je crois bien !

— Même si c’est difficile ?

— Surtout si c’est difficile !

— Oh ! ce n’est pas bien compliqué… Seulement, ça ne se fait pas. Enfin, voici : tout à l’heure, en pendant mes robes dans le cabinet noir, j’ai découvert un ancien costume à toi, avec un pantalon long et une vareuse de marin, que tu mettais quand tu avais treize ou quatorze ans. J’ai remarqué qu’il était juste de ma taille… Alors, si tu voulais…