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vers elle, il admirait la chevelure couleur d’automne. « Cela doit être doux aux lèvres, songeait-il, et tiède comme la plume, cela doit sentir le foin et les feuilles. Dessous, il y a sa petite oreille un peu pointue que je connais bien… Ah ! si j’osais… Mais je n’ose plus… Suis-je bête ? Je l’ai si souvent tenue serrée entre mes bras ! » Il avançait doucement sa bouche qui haletait un peu.

C’est ainsi qu’ils s’éloignaient l’un de l’autre.

Seule, Criquet en avait la sensation confuse. Leur intimité d’enfants était finie. Elle était une jeune fille, il était un jeune homme, deux êtres dissemblables qui, malgré l’amour, si l’amour venait, ne pourraient jamais entièrement se comprendre ni se pénétrer.

« Que c’est triste de grandir », se dit Criquet avec un soupir léger.

Et elle se souvint en même temps des regards dont Michel, au bal, l’an dernier, poursuivait Jeanne, sa camarade. Ces regards, les mêmes, étaient pour elle aujourd’hui : elle ressentit d’abord une bouffée d’orgueil. Mais de suite : « Pour qui seront-ils demain ? » pensa-t-elle. Et son cœur se serra.

Pourtant, une douceur lui vint et demeura. Michel avait été très bon lors de son grand chagrin. Les larmes mêlées sur leurs joues, leurs soupirs, leurs sanglots confondus, le souffle désolé de leurs bouches rapprochées, dans cette chambre où frémissait encore la chère présence, ce souvenir amer et sacré res-