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« Je l’aurais mieux aimé, je crois, s’il n’avait pas changé, » pensait-elle.

Elle était un peu contente, un peu triste, un peu déçue. Certes, il ne lui semblait pas désagréable d’être trouvée jolie, par Michel surtout ; mais pourquoi, tandis qu’elle essayait de lui raconter son âme, négligeait-il de l’écouter pour regarder son visage ? Elle sentait vaguement qu’il attachait peu de prix à ce qu’elle possédait de plus précieux : sa tendresse et son cœur. « S’il m’avait trouvée laide, songeait-elle, il ne serait pas là, penché sur moi, avec ces yeux brillants. Les paroles qu’il me dit vont à mes cheveux, à mon teint, à ma taille, qui lui déplaisaient l’an dernier, qui lui plaisent aujourd’hui… Si demain je changeais encore, il ne m’aimerait plus… Ils aiment drôlement, les garçons ! »

Elle n’avait plus vers lui l’élan confiant qui tout à l’heure la soulevait. De la mélancolie, du regret, un soupçon de mépris se lisaient dans ses yeux.

— Pourquoi me regardes-tu comme cela, Camille ? demanda Michel, en lui prenant la main. Es-tu fâchée contre moi ? T’ai-je fait de la peine ?

— Tu ne m’as rien fait.

— Avec quel drôle d’air tu me parles ! Explique-moi, je t’en prie…

— Non, tu ne me comprendrais pas… Mais je ne suis pas fâchée contre toi.

Elle baissa la tête et ils se turent un instant. Incliné