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paroles joyeuses et tendres, mais au premier coup d’œil, elle devine que ça ne prendra pas. Michel ne se soucie plus d’effusions. S’efforçant d’avoir comme lui l’air indifférent et bourru, elle dit seulement :

— Tu vas donc à la noce pour t’être fait si beau ?

— Et toi, rétorque Michel, c’est à l’étable peut-être ? Quelle touche, non, mais quelle touche ! Attends que tante Éléonore ou miss Winnie t’aperçoivent !

— Pas de danger… C’est vrai, Je suis assez sale, ajoute-t-elle d’un air paisible.

Puis, oubliant sa résolution de froideur :

— Oh ! Michel, mon petit Michel, si tu savais ! Je les ai visités, le rocher aux moules, la flaque chaude, la pierre où s’était caché le homard, tu te souviens ? ce petit homard qui se baladait sur le sable et que nous avons crocheté dans son trou avec des tringles à rideau ? Et dans la mare où nous avons un jour pêché des sardines avec notre serviette à bain, devine ce que je viens de tuer ? Tu ne devines pas ? Ce n’est pas malin, pourtant ! Un poulpe, mon vieux ! Un gros bandit de poulpe ! Même que je ne lui ai pas encore retourné la panse pour te laisser le plaisir.

Mais cette attention ne déride pas Michel.

— Que veux-tu que j’en fiche de ton poulpe, et de tes mares, et de tes moules ? Je les ai assez vus, depuis huit ans qu’on vient ici pour les vacances ! Un sale trou de sauvages… Pas un chat à voir.