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main posée sur sa poitrine. Quand, dans la rue, une voiture roulait et semblait s’arrêter, elle courait à la fenêtre, soulevait le rideau, revenait ensuite en se tordant les poignets. Parfois, elle écoutait le silence, et Camille s’effrayait devant ce regard fixe et ces traits figés. Le tic tac de la pendule lui paraissait alors étrangement bruyant et rapide, comme s’il battait dans son cœur accéléré. La journée passait, le ciel, à travers les rideaux, envoyait une clarté d’un rose affaibli.

Tout à coup, au lieu de sonner, on frappa doucement à la porte d’entrée, quelqu’un alla ouvrir, il y eut des piétinements, le murmure de plusieurs voix entrecoupées, puis des pas hésitants s’approchèrent. Un souffle froid semblait avoir pénétré dans la pièce. Suzanne s’était dressée, les yeux dilatés, les mains pendantes ; elle regardait la porte, et Camille voyait se décolorer affreusement son beau visage aux lèvres entr’ouvertes. L’instant semblait s’éterniser, et, dehors, une corne d’automobile, lugubre, n’en finissait pas de sonner.

Enfin, miss Winnie entra, puis s’arrêta, les bras tendus vers Suzanne ; sa longue figure était tachée de larmes, sa bouche et son menton s’agitaient par saccades ; aucune parole n’en pouvait sortir. Mais Suzanne qui regardait toujours avec une affreuse avidité, porta soudain ses deux poings à ses tempes, en renversant le cou.