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teur, un de ses frères qui avait un panari : elle revoit le bistouri luisant, la petite main solidement maintenue, le coup de lancette, le sang, le pus. Au souvenir des cris, des supplications de l’enfant, elle pâlit encore. « Je ne vous conseille pas de faire votre médecine », lui avait dit le docteur, en riant ironiquement.

Pour la première fois, un doute traverse son cerveau : « Peut-être, si j’étais née garçon, n’aurais-je pas fait un très bon officier… » Un soldat, un marin, c’est son métier de tuer, de faire couler du sang des larmes… Un frisson de dégoût lui court entre les épaules.

Alors, professeur ? Une dame, amie de sa famille, apparaît à Camille. Elle est agrégée et fait des cours dans un grand lycée de Paris. On dit d’elle : « C’est une femme remarquable », et tante Éléonore ajoute : « L’enseignement, du moins, est une carrière féminine ! » Mais elle a une voix haute et dure, un grand nez osseux dont le bout est chevauché par un lorgnon toujours de travers. Elle possède des opinions sur tout, littérature, philosophie, politique, musique et elle les sort avec autorité. Criquet n’oserait jamais. Non. décidément.

Elle entrait dans le parc Monceau. Tout à coup, Louise, la femme de chambre, qui semblait également perdue dans ses réflexions, s’arrêta en apercevant une grosse fille aux joues vermillonnées, avec un corsage