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Elle consentait à être une femme, — mais pas une femme comme les autres, naturellement ! Elle protégerait ses sœurs malheureuses, les relèverait, engagerait contre les méchants une lutte où elle resterait victorieuse et pourtant magnanime… Avec un orgueil puéril, elle s’enfiévrait et s’imaginait déjà, modeste et fière, debout, les mains tendues, entre des femmes à genoux, levant des yeux d’extase reconnaissante, et des hommes prosternés, le front dans la poussière. « Alors, Michel m’admirera peut-être, pensait-elle. Il regrettera de m’avoir méconnue. Et moi je lui dirai : « Je te pardonne… Sois mon ami comme autrefois. »

Seulement, cette gloire, comment l’acquérir ? Que serait Criquet ? Elle avait aperçu dans le journal le portrait d’une bien jolie avocate. Lui permettrait-on de faire son droit ?

Tante Éléonore disait : « Une femme, une jeune fille, toute seule, au Palais, au milieu de cette meute d’hommes qui la flairent ! C’est une horreur que la loi devrait interdire ! » D’ailleurs, pour plaider il faut parler, faire de longues phrases dont on ne prévoit pas la fin, de beaux gestes, calmes et ronds. « Moi, au bout de six mots je bafouille et dès que je lève un bras, pensait Criquet, quelque chose tombe ou s’accroche à moi… »

Médecin, peut-être : on soigne les gens, on les guérit, ils vous aiment. Pourtant, Criquet se rappelle que l’autre semaine, elle accompagnait chez le doc-