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craquèrent, les croisa vivement derrière sa tête ; et, oubliant ce qui l’environnait, les yeux fixes, la voix haletante :

— Les garçons, reprit-elle, ils ont toutes les chances ! Il leur arrive de belles aventures, ils gagnent de l’argent, des honneurs, de la gloire… Et tenez, même pour danser, ils peuvent choisir qui leur plaît… Pour se marier aussi… Ils ont gardé pour eux le meilleur de la vie… ils sont égoïstes, les hommes, ils sont méchants, ils sont brutaux !… Je les déteste, oh ! comme je les déteste !

Elle frappa du pied, la voix brisée par un petit sanglot. Le vieux monsieur l’observait derrière son lorgnon, avec un sourire de bienveillante malice.

— Drôle de fillette, fit-il au bout d’un instant. Comment ! Vous trouvez les hommes méchants, brutaux, égoïstes, — vous avez raison, d’ailleurs, jusqu’à un certain point ! — et vous voudriez être un homme ? Vous désirez vous ranger parmi les oppresseurs et les tyrans contre les faibles, les désarmés ? De la part de la petite personne généreuse que vous semblez être, voilà de quoi surprendre !

Camille laissa tomber ses bras, entr’ouvrit la bouche, posa sur le vieillard des yeux étonnés.

— Croyez-vous, poursuivit-il en s’écoutant parler avec complaisance, croyez-vous qu’il ne serait pas plus noble, plus digne de vous, de prendre le parti des femmes. Justement parce que vous les trouvez malheu-