regards désolés, elle se tourne légèrement vers le jeune homme qui joue avec les glands de sa ceinture de soie blanche, et, l’éventail haut :
— À bas les pattes, ou je frappe ! Je n’aime pas qu’on me touche. Vous êtes un faiseur d’histoires, monsieur Michel… Allons ! ne prenez pas cette tête lugubre ! Si vous êtes bien sage, je vous accorderai cette valse… parce que cela me plaît… Et parce que je suis gentille…
Avec un signe de tête protecteur à Camille et un sourire de victoire, elle pose ses doigts sur l’épaule de Michel qui l’enlace et l’entraîne.
Les deux danseurs évincés tournent des visages déçus, hésitent une seconde, puis, s’élançant tête baissée à travers les couples qui tourbillonnent, ramènent deux jeunes filles, épaves parmi les sièges vides. Le cercle s’élargit, les robes claires et mousseuses viennent battre contre Criquet appuyée au mur : des écharpes effleurent mollement sa joue, elle sent les haleines tièdes, le parfum des mouchoirs de dentelle, le vent des éventails, elle surprend les mots chuchotés, les regards animés ou tendres ; la valse la frôle, l’enveloppe de son souffle et de son ivresse ; et pourtant comme elle est seule ! Pas un coup d’œil, pas une parole ne s’égare vers elle. Chaque fois que passe et repasse Michel, rouge, les yeux étincelants, les lèvres entr’ouvertes, penché sur le visage radieux et amolli de Jeanne, elle éprouve une douleur vive,