Page:Viollis - Criquet, 1913.djvu/235

Cette page a été validée par deux contributeurs.
223
criquet

— Tel que tu me vois, mon vieux Criquet, je suis. l’amant d’une femme mariée !

Il pensait à une crémière du quartier, qui, les jours de sortie, lui souriait d’un air engageant pendant qu’il buvait un lait chaud sucré. Mais il ne produisit pas l’effet attendu. Camille attachait sur lui des yeux surpris, incrédules :

— Puisque tu ne peux pas l’épouser ?

Elle médita un instant :

— À moins que tu ne veuilles l’épouser plus tard, quand son mari sera mort… ou qu’elle aura divorcé ?…

— Plus souvent ! s’écria Michel, brisant d’avance le cœur de la trop sensible crémière.

Camille resta interdite ; puis :

— Alors, pourquoi faire ? demanda-t-elle.

— Que tu es sotte, non, mais que tu es sotte ! Pourquoi faire ? Pour l’embrasser, pour la caresser, pour…

Gêné par les yeux clairs, plus grands, plus fixes :

— Et puis zut, flûte ! C’est trop difficile de parler de ces choses avec une fille…

Et il haussa les épaules.

— Alors, continua Camille, rouge et sérieuse, on peut dire à des femmes qu’on les aime, on peut les embrasser sans se marier avec elles ?

— Tu en as de bonnes ! S’il fallait convoler avec toutes celles…

Il acheva par un rire. Puis, content d’afficher un cynisme qui le faisait homme :