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criquet

nez — essuya les gouttelettes qui s’arrondissaient autour de chaque poil de son boa, tamponna sa voilette en face de sa bouche, puis cacha de nouveau sous la fourrure son grand menton triste. Quant à Michel, il suivait du regard une amazone au chapeau rond qui, ramassée sur sa selle, sautait à chaque bond du lourd cheval, entouré de vapeur.

— Pas de style ! grommela-t-il, la lèvre dédaigneuse.

— C’est bien le vingt novembre que je suis tombée malade, n’est-ce pas, miss Winnie ? continua Camille.

Mais miss Winnie se contenta de hocher la tête. Alors Criquet se sentit tout à coup faible, petite et seule. Ces voitures, ces autos, ces bicyclettes roulaient, trépidaient, filaient dans un monde qui n’était pas le sien ; ces passants grands, gras, bien vêtus lui prenaient sa part d’espace et de joie. Le froid mordait ses mollets, raidissait ses doigts et ses orteils, glissait dans ses manches un peu courtes pour pénétrer jusqu’à son cœur… Elle aperçut dans un arbre un pinson au gros bec mélancolique qui sautait silencieusement de branche en branche : « Il doit avoir les pattes gelées, pensa-t-elle, ses pauvres petites pattes toutes nues… »

Que faire lorsqu’on a froid, lorsqu’on est triste ? Courir. Criquet asséna un grand coup de baguette à son cerceau et s’élança. Mais le cerceau d’abord et Criquet à sa suite s’abattaient bientôt contre le manteau de loutre d’une dame élégante qui trébucha.