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criquet

Moi, rien ne m’échappe. J’ai un odorat d’une délicatesse !…

Criquet, noyée dans ses larmes, remarqua pourtant que, sous la traîne pesante de sa robe brochée, la tante entraînait un petit plumeau oublié par Louise et elle s’en réjouit une seconde.

Mais le chagrin était là, trop lourd, trop encombrant pour être si vite déposé ; il ne s’agissait plus maintenant de l’an ni du mois prochain. Ce n’était pas demain qu’elle deviendrait une jeune fille : quand elle se lèverait, elle serait une grande personne, on le lui répétait depuis le matin.

Bientôt viendra le mariage, puis la maternité, a dit tante Éléonore… Devient-on mère tout à coup, comme ça ? Criquet se souvient d’une chatte qui jouait, avec toutes les grâces de l’enfance dans ses prunelles dorées, dans son corps soyeux et souple ; un jour, elle avait eu des petits chats, et elle s’était transformée en dame longue, efflanquée, à l’allure grave, au caractère acariâtre.

Elle voit encore, à une soirée chez ses parents, une jeune femme qui, depuis son mariage, avait beaucoup grossi, se désolant de ne pouvoir danser ; « Consolez-vous, lui avait-on dit, dans quelques mois, vous serez légère comme avant… » Et, en effet, on l’avait revue plus tard, la taille svelte, escortée d’une nourrice qui portait un bébé.

La vie de Criquet était alors trop pleine, trop