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criquet

sation dominait : ses oreilles cuisantes qu’elle sentait gigantesques et rouges…

— Mais, tante, gémit-elle enfin, je n’ai rien à dire, rien ! Je suis très fatiguée, voilà tout…

— Fatiguée ? reprit tante Éléonore en hochant la tête avec complaisance, oui, cela se voit de reste, tu es exténuée ! Te souviens-tu du jour, — il n’y a pas si longtemps, — où tu détalais à travers champs comme un va-nu-pieds de mousse ? Et lorsque je te faisais observer que c’était une conduite peu décente pour une fille de ton âge, tu me répondais seulement : « Oh ! tante, cela m’amuse tant ! » T’en souviens-tu ?

— Oui, souffla Camille avec un regret désolé.

Il lui sembla qu’une bouffée de vent odorant lui baignait soudain le visage.

— Que te disais-je alors ? « Jouis de ton reste, ce ne sera pas pour longtemps… » J’avais raison, une fois de plus ! Te vois-tu aujourd’hui bondissant comme un cabri ? Tu es là, pâle, lasse, brisée…

— Cela ne durera pas toujours ? cria Criquet avec effroi.

— Non, sans doute… Mais après cette première misère, d’autres viendront… De ce jour jusqu’à ta mort, ta vie, ma pauvre enfant, comme celle de toutes les femmes, ne sera qu’une suite de peines, de sacrifices, de souffrances physiques et morales… Le mariage et ses devoirs, la maternité et ses douleurs…