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miss Winnie, les joues écarlates, l’air choqué, puis, dressée comme une tour au-dessus du lit, la silhouette imposante de tante Éléonore, surmontée d’un visage charnu dont l’énorme coiffure poudrée avivait encore la couleur groseille.

« Comme elle est grande et grosse ! » songeait Criquet en tendant humblement vers elle ses lèvres brûlantes.

— Non, mon enfant, non, fit tante Éléonore en la repoussant de la main, je ne t’embrasserai pas aujourd’hui. Si j’en juge par les gerçures de ta bouche, tu as dû subir un accès de fièvre et le contact des fiévreux est à éviter.

« Pour ce que cela me prive ! » pensait Criquet.

— Eh bien, mon enfant, continua tante Éléonore, comment te sens-tu ? J’ai désiré te voir, causer avec toi… J’ai même dû renoncer pour cela à un grave rendez-vous, mais tu me connais !… Ta pauvre mère hélas ! n’a pas assez de santé pour tenir comme elle le devrait son rôle d’éducatrice… Voyons, ma chère Camille, qu’as-tu à me confier ? Parle sans crainte, mon enfant, Je t’écoute…

Et tante Éléonore, d’un geste aux tintements métalliques, croisa ses deux bras sur sa poitrine de soie noire.

Criquet cherchait éperdument dans son cerveau où tournaient quelques lambeaux d’idées. Une seule sen-