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criquet

À travers l’eau qui clapote un peu, elle marche, silencieuse, comme si elle craignait d’éveiller tout ce qui dort peut-être depuis qu’elle est partie. Des herbes vertes et des tiges gluantes s’enroulent à ses chevilles, des crabes, les pinces dressées, s’enfuient de biais sur leurs pattes hautes ; des poissons gris filent jusqu’aux gros cailloux à barbe de varech, ou disparaissent tout à coup dans un nuage de sable.

Camille jette autour d’elle des regards émus et ravis. Est-ce l’an dernier ou bien hier que, par les chauds après-midi d’août, elle s’étendait en costume de bain sur cette pierre plate et baignée, pour relire des récits de chasse ou de voyage, tandis que l’eau lui étendait sur le corps un drap frais et mouvant ?

Comme elle avait aimé, le soir, quand la mer était phosphorescente, lancer du haut de cette pointe des galets qui glissaient à la surface de l’eau, laissant après eux un sillage d’étoiles ! Et quel plaisir de danser ensuite sur la grève, dans le vent, et d’allumer des arabesques d’or le long du sable humide : plaisir de sirène ou de fée !

Au fond de cette crique, on trouvait, collées au rocher, de grosses moules entourées de leurs petits, dont on ouvrait à la pointe du couteau la coquille luisante ; parfois on se coupait le doigt, mais quelle bonne saveur amère et fraîche, qui donnait une faim terrible ! Il y a encore par là des bigorneaux rosés, gris et mauves, que l’on fait cuire et dont on retire