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d’elle, en remuant ses doigts courts, emprisonnés dans des mitaines.

« Comme il est pâle, songe Criquet, et quel gros cou !

Une fois encore, une nausée lui tord l’estomac et gonfle son gosier jusqu’à ses lèvres. Tout est répugnant dans cette rue : la boue, l’odeur d’essence, l’enfant blême et surtout l’orange dont on voit la chair décomposée.

Elle se rejette en arrière, les deux mains derrière la nuque. Mais une douleur se lève sous ses bras, une brûlure vive qui lancine, s’étend, gagne la poitrine, comprimée sous la bande de toile dont chaque matin Criquet l’entoure. Elle y pose ses deux mains. Il lui semble que cette poitrine bouge, gonflée, tendue, endolorie et elle sent à travers l’étoffe les deux pointes dures et chaudes.

« Je les ai trop serrés, pense-t-elle. Ils se vengent ou peut-être qu’ils vont mourir… »

Mais une autre douleur, froide et brutale, lui lacère les entrailles, lui fend les reins :

« Non, gémit-elle, c’est plutôt moi qui vais mourir… »