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yeux limpides. Ce n’est pas trop difficile, je vous assure. Il me semble que je comprends tout…

Et elle continue sa lecture devant M. Poiret accablé.

— Tiens ! s’écrie-t-elle tout à coup, ça c’est drôle, par exemple. On dirait bien qu’il s’agit d’amour. Alors, ces vieux Romains étaient donc amoureux, comme les Anglais ? Je ne l’aurais jamais cru. Ils avaient tant de choses intéressantes à faire !

M. Poiret s’agite violemment sur sa chaise qui craque ; il tourne entre ses doigts noueux le porte-plume de Criquet qui tout à coup se sépare en deux morceaux avec un petit bruit sec.

— Mon porte-plume qui avait si bon goût ! gémit celle-ci.

Puis, voyant l’air consterné de M. Poiret :

— Cela ne fait rien, ajoute-t-elle. J’en ai un autre en bois ; seulement, à force de le mâcher, le bout est devenu comme un petit balai de chiendent.

Et devant le visage bouleversé de son professeur :

— Peut-être que vous aussi, monsieur Poiret, vous êtes amoureux ? dit-elle. C’est pour cela sans doute que vous n’aimez pas cette poésie et que vous êtes parfois si triste ?

Elle revoit les yeux rouges de miss Winnie, le dos sanglotant de Jacques. Les gens qui ont des chagrins d’amour sont décidément toujours un peu laids, un peu ridicules. Elle se demande là-dessus si lorsque M. Poiret pleure, les larmes qui sortent de ses yeux