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bonheur, personne ne l’a encore vue. Elle ne pleure que lorsqu’elle est seule. C’était bien la peine de tant mépriser les filles !

— Aussi, c’est leur faute à tous, fait-elle pleine d’amertume. Personne ne voit que je suis malade… Et je vais peut-être mourir…

Mourir ? Pourquoi pas ? Ou se tuer ? Il y a des enfants bien plus jeunes qui se tuent. L’autre jour, un gamin auquel on avait refusé un tour de chevaux de bois s’est jeté par la fenêtre, pour punir ses parents. C’était dans le journal, Louise l’a raconté à Criquet.

Comment se tuerait-elle ? Elle pourrait bien, elle aussi, se jeter par la fenêtre… Seulement, en bas, au-dessus du café, il y a une véranda, et sur du verre, on se coupe… S’empoisonner ? Justement, elle a vu du sublimé dans le cabinet de toilette de maman. avec le mot poison en grosses lettres sur l’étiquette rouge. Oui, mais le sublimé donne des coliques, et les coliques font si mal !

« Oh ! je trouverai bien un moyen, conclut Criquet, après réflexion. Et comme on laisse toujours une lettre, j’écrirai sur un papier bordé de noir : « M. le commissaire, je me tue parce que ma famille ne m’aime plus et que j’aurais voulu étre un garçon. »

Comme ils auraient tous des remords, papa, Suzanne, Michel ! Elle les voit en noir, avec les épaules frissonnantes des gens qui suivent les corbillards. Michel se mouche avec son poing, Suzanne