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tachées de vert, festonnées, déchiquetées. Pourquoi donc ?

Camille hésite un instant, et éclate de rire. C’était aux dernières vacances : elle avait renversé une cuvette d’eau sur son jupon, et tandis qu’il séchait dans le pré, un veau, séduit par cette pâture inconnue, avait savouré la mousseline blanche : il entamait Télémaque resté dans la poche lorsque Camille survint… Elle revoit les gros yeux surpris et innocents du veau, un lambeau de dentelle aux dents, ses cabrioles maladroites dans l’herbe profonde — et, de joie, se met à cabrioler aussi.

Un temps de galop à travers la dune, entre les touffes serrées des bruyères et des genêts, et la voici au-dessus de la plage qui s’allonge, lisse et soyeuse, dans les bras durs des rochers. Un coup d’œil à la mer : elle est basse ; tant mieux, on pourra s’avancer très loin, reconnaître toutes les flaques, toutes les pointes. Camille saute sur la grève et tombe, le nez dans le sable uni où personne encore n’a marché. Elle y plonge les bras, les jambes, s’y étend sur le dos, sur le ventre, s’y roule comme un chien dans la neige ; elle s’assoit ensuite, prend à pleines mains le beau sable liquide qu’elle laisse fuir entre ses doigts.

— C’est doux, c’est chaud comme de la cendre, murmure-t-elle, et si l’on enfonce son poing plus profond, cela devient frais comme de l’eau qui coule…

Elle se relève, et tout le long de ses épaules, de son