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soin. Ensuite, elle n’a pas d’argent : c’est effrayant ce que l’argent est nécessaire ! Ce n’est pas avec neuf francs soixante-quinze, tout son avoir, qu’elle pourra payer son voyage jusqu’au Havre… Pour cela, elle compte sur son cousin, et aussi pour prévenir ses parents, les rassurer…

Tout à coup, le timbre de la porte d’entrée résonne trois fois, strident et pressé :

« Jeudi… C’est lui… Je reconnais sa façon de sonner… »

— Elle se lève, le visage tendu, appuyée des deux mains à son dictionnaire. Mais elle ne court pas à sa rencontre. À quoi bon ? Elle entend des pas qui s’éloignent vers le salon, une porte qui se ferme, c’est tout.

Pourtant, elle continue à écouter ; ce sont d’abord, dans l’antichambre, des piétinements, des cris, des bruits de disputes et de rires, des claquements de fouet, une bille qui tombe et roule : les petits frères de Criquet qui depuis quelques jours sont entrés au lycée Carnot, vont au parc Monceau retrouver leurs camarades ; ils échangent là-bas des timbres, des cartes postales, jouent aux billes et aux barres, ont leurs haines et leurs amitiés, leurs occupations, leurs soucis. « Vous êtes des hommes maintenant », leur a dit papa. Ils sortent seuls, eux si petits encore, et on ne leur recommande pas de bien se tenir dans la rue. Ils verront les pelouses où les