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et personne ne semblait plus s’inquiéter d’elle ni la plaindre.

Elle se souvint alors d’annonces qu’elle avait vues sur les murs.

— Qui sait ? se disait-elle. J’ai peut-être une maladie secrète puisqu’on ne veut pas m’en parler ? Qu’est-ce que cela peut être ? En meurt-on ?

Allons ! Il faut relever la tête, reprendre la plume, ouvrir le dictionnaire… Criquet hume d’avance l’odeur de moisi des vieilles pages et une nausée subite lui monte à la gorge ; puis un goût amer se répand dans sa bouche qui s’emplit d’une salive claire et filante, comme celle que les gros chiens ont toujours au coin de la gueule.

Pourquoi ce dégoût ? Elle aimait tant autrefois ce livre usé, elle avait éprouvé tant de joie le jour où Michel l’avait apporté du lycée. Elle allait donc apprendre le latin comme un garçon, dans un livre qui avait appartenu à des garçons ! Car leurs noms inscrits sur la première page lui étaient devenus familiers comme des noms d’amis : Drouet Jean, Bersier Paul, Anatole Moriceau…

Ils avaient écrit sur les marges, tout le long des pages, des phrases qu’elle lisait pieusement avec un orgueil attendri, comme s’ils l’avaient choisie pour confidente.

L’un d’eux, Drouet, aimait bien rire, mais c’était un mal élevé. Dans l’angle des feuillets on lisait de